A l'écoute des ombres

À l'écoute des ombres

La poésie de Stella Vinitchi Radulescu est avant tout un questionnement sur l'existence, l'écriture. Une « lumière d'après-midi où une rencontre a eu lieu ». Rencontre entre l'auteur et le lecteur, certes. Mais aussi - et peut-être surtout - rencontre de la littérature et de ses limites. C'est en « écoutant les ombres » que l'on finira par déceler la réalité des choses derrière les apparences mensongères. « Face à l'abîme », timidement, l'écriture devient existence. Mais toujours une existence sur le seuil dangereux qui sépare l'autre de soi-même. Une terre d'exil ; peut-être une terre d'accueil, là où « une nouvelle histoire se dit ». L'oeuvre de Stella Vinitchi Radulescu est aussi une « poétique du désert », avec ses pérégrinations, ses migrations mentales et sa quête inassouvie d'absolu, de désir. Car écrire est bien cela : attiser en permanence le conflit intérieur entre le désir d'un manque et le manque d'un désir.

Dans Journal aux yeux fermés (Éditions du Gril), Stella Vinitchi Radulescu nous fait cette confidence : « Je me couvre de mots ». Au détour de ses vers, l'instant surgit toujours, essentiel et fragile ; le passé est souvent oppressant et le présent volatil. À travers l'écriture, quelle que soit la langue d'emprunt, elle s'attelle à un véritable travail sur la mémoire comme s'il fallait en faire le deuil à chaque fois pour toucher mieux le lecteur. Pour elle, la poésie est un exil et un refuge. De ce paradoxe naît une écriture exigeante, fruit de l'acculturation, qui nous séduit particulièrement dans son combat avec le temps.