A l'ombre (des pas) perdus

Il faut savoir gré à Philippe Laroudie de maîtriser cette alchimie par laquelle la vérité, extraordinaire au sens propre du terme, de la prison n'apparaît pas sous la forme de traits définitifs, impératifs, agressifs et simplifiés, mais est traduite, interprétée avec délicatesse, sensibilité et pudeur.

C'est ainsi que, de son appareil, le photographe a su tirer bien autre chose que le regard d'un visiteur sur la prison. Il est en quelque sorte l'oeil d'un détenu contemplant ses compagnons, mais aussi celui d'un surveillant qui passe lui aussi sa vie en détention. Il ne juge pas, ne compatit pas, il montre et suggère avec discrétion et délicatesse, il exprime.

Merci Philippe d'avoir fixé la solitude, la pesanteur des murs de la prison. Nos frères et soeurs prisonniers sauront qu'on veille sur eux, dans l'Espérance.

Scanographie ? Reportage ?

L'univers carcéral est fait d'invisibilités. La privation de liberté ne se lit pas seulement sur un corps, un visage ; elle se ressent par-delà la vision d'un monde.

Le temps semble arrêté, l'espace se creuser.

Sensation cruelle. Parentés enfouies. Terminus.

Cette photographie est une surprise. Souffle coupé qui se projette sur des murs griffés ; une absence presque totale - d'être. D'où la disparition de visages. Perdre la face. La photographie est alors imprégnée, comme un linge, d'humeurs.