Au-delà du regard

L'acte de regarder, c'est le fait de diriger la vue sur quelqu'un ou quelque chose. Le regard capte le premier niveau de réalité perceptible, mais au-delà du regard il y a encore un autre au-delà, et ainsi de suite. Mais ici, dans ce mouvement continu c'est l'imagination qui intervient davantage que la vision. C'est l'imaginaire qui prend toute la place pour créer sa propre réalité. Cela me semble être le propos même de la poésie. Elle est la mise en mot d'une situation, d'une émotion, d'une expérience qui ont laissé ou pas des traces dans la conscience. Voici deux réflexions captées au cours de mes lectures qui disent ce qu'est pour moi la poésie. « Le poème résout un problème dont seule l'invention verbale peut trouver la solution. » Paul Goodman. « La poésie comme explication métaphorique du monde. » J.B. Pontalis.

Une image passe à travers je ne sais quel souvenir qui m'a ému. Mais je n'ai pas perçu ses effets directs. C'est bien là que sont codifiés tant de milieux dans ma mémoire, ouvrant sur la route déserte à perte de vue. C'est alors que je longe les buissons, les prunelliers - puis le pensionnat m'apparaît comme autrefois, après le virage. Souvent je reste avec mes pensées, sans savoir laquelle saisir dans l'imminence d'un mot pour lui donner l'ampleur du parterre de fleurs que j'observe en train de résister au vent. Puis tout se calme : les boutons cessent de s'agiter, ils reprennent du nerf et m'éveillent à la vague passionnée que m'inspire une autre euphorie.
Claude Haza, extrait de Au-delà du regard