Au nom du progrès

Comme un coup de fouet, une lanière qui m'enserre et me lacère, la peau me cuit, le sang gicle d'une longue estafilade qui marque le haut de mes cuisses. L'auteur de cette blessure est un jeune coq pintade qu'assis, je tenais sur mes genoux. Tout le monde éclate de rire. Nous sommes en 1972, l'année de mes vingt ans, et j'initie une équipe à l'insémination de pintades à l'élevage de mes parents.

Cet accident, aussi bénin que banal, va désorienter d'abord puis changer par petites touches le cours de ma vie. Est-ce le sang, la douleur, le rire des autres qui blessa mon amour propre de jeune coq de vingt ans, ou cette sensation un peu diffuse dans un premier temps puis de plus en plus évidente d'avoir partie liée avec la quête de liberté de ce jeune mâle pintade?

Produire davantage, à moindre coût, grâce aux barbituriques et aux engrais. Travailler encore et toujours plus, se mécaniser, s'endetter et s'agrandir... Courber l'échine, «s'adapter» et voir autour de soi les collègues quitter la terre. Ce livre est bien plus que le témoignage d'un homme issu d'une famille paysanne «ordinaire». C'est l'histoire d'une génération d'agriculteurs confrontée à un choix terrible: se soumettre à la logique de l'agro-business ou se battre contre elle.