Réception et en aval

En 1986, je rencontrais un spécialiste genevois de Rousseau très connu lors d'un projet de valorisation des Charmettes où nous étions consultés pour donner notre avis. Quand on en vint à aborder la question de la réception, l'universitaire sortit plusieurs dossiers de sa serviette en disant qu'il avait là tout ce qu'il fallait : Chateaubriand, Lamartine, Sand et un ou deux autres écrivains étaient pour lui toute la fortune de l'auteur des Confessions. L'innocent ! mais si sûr de lui... Cioranescu avait pourtant donné en 1969, près d'une centaine d'entrées dans sa Bibliographie de la littérature française du XVIII^e siècle. J'en donne ici plus de 2 000, étendant la prise en compte de l'influence de Rousseau au-delà de l'Europe et des États-Unis, des XVIII^e et XIX^e siècles, qui ont longtemps été les limites dans lesquelles s'exerçait la curiosité savante. Nous introduisons donc le lecteur, comme dans les volumes précédents de la Bibliographie mondiale, dans un monde bien moins étroit et bien plus complexe. La première réaction pourra être, pour lui, de crainte et de repli frileux vers les bonnes vieilles certitudes bien délimitées et admises. Je compte donc sur la seconde. Loin d'être persuadé de connaître tous les aspects de la réception de Rousseau, je reste conscient de tout ce que j'ignore et de tout ce qui se dérobe à moi pour des questions de langue et de distance. Loin de dire « Je sais tout », je suis comme la chenille de Lewis Carroll qui dit à Alice - Je ne sais pas », et je garde « l'esprit du débutant », bien loin des certitudes figées qu'offrent l'âge, la position professorale et l'Excellence que l'institution a mise à sa portée.