Carnets de route

En août 1906, le jeune Ernest Psichari s'embarque à Bordeaux dans le cadre de la Mission du Haut-Logone, dirigée par le commandant Eugène Lenfant. Durant plusieurs mois, l'expédition parcourra le centre de l'Afrique, entre le bassin du Tchad et celui du Congo, dressera des cartes, fera un relevé détaillé des ressources des pays traversés, étudiera les moeurs et les langues des populations locales, établira le tracé de nouvelles routes. La Mission était hautement stratégique à une époque de rivalités européennes pour le contrôle de l'Afrique. Psichari tiendra régulièrement un journal de route où il relate les moments majeurs de l'expédition, en même temps qu'il trace le portrait des administrateurs, des militaires, des commerçants qu'il rencontre. Mais ce journal est aussi une autobiographie intellectuelle, écrite au contact fascinant de cultures mystérieuses et mal connues. À côté d'un intérêt documentaire et historique évident, les carnets de Psichari sont en outre riches de notations esthétiques, de descriptions flamboyantes, saisies dans une langue à la fois romantique et exacte. C'est en même temps la sensibilité de toute une génération qui s'exprime dans ce texte, alors qu'un certain nombre d'intellectuels, marqués par le dreyfusisme, ont commencé à se rallier au nationalisme après l'épisode de Tanger en 1905.