Cette poussière qui danse

La poésie de Jeanne Las Vergnas n'est pas fuite, certes non, même si elle est son aire de retrait, sa chambre obscure, le lieu intérieur qui lui permet de résister à tout ce qui l'environne et cherche à la réduire à ce qui dans le monde proche est banal, trivial et empêche de vivre, elle est sa forme de courage, son mirador en plein ciel et le lieu de son indépendance et de son espoir. Depuis Moments, et bien avant sans doute, comme l'oiseau chante et vole, elle ne cesse d'écrire tout en vivant, elle court sur ce fil entre vivre et écrire, opérant sans cesse de l'une à l'autre les subtiles transformations, « les alchimies fragiles », grâce à quoi toujours « son esprit cavale », mais je crois bien que « Les lendemains de rien » dans Femme d'opaline, halte provisoire de cette aventurière qui est aussi une femme méditative de l'Ariège, d'où elle vient et où elle revient saisonnièrement, comme les bêtes transhumantes, expriment admirablement le suspens de son existence et, il semble bien, son Art poétique, car tout s'y résume, s'y ramasse, s'illumine, feu de Bengale, et fusée à six étages qui monte « dans le matin clair ». Et qu'il y aurait à dire sur les autres poèmes de ce recueil !
Jean-Louis Crousse