Entretiens imaginaires

"... En cette fin d'année 1974, rangeant des papiers, Jean Degottex tomba sur un dessin que sa fille Frédérique lui avait fait pour son anniversaire.

L'envers de la feuille porte une inscription à l'encre bleue avec des pâtés:

Anniversaire 1958 - A Papa- Kikou

Elle avait onze ans. Cinq ans plus tard elle serait morte, tuée dans un accident d'auto.

Certes un dessin d'enfant n'a jamais l'autonomie esthétique d'une œuvre d'artiste, mais Jean avait été frappé par le caractère particulièrement désarmé de celui-ci que son auteur n'était plus là pour "soutenir".

... Peut-être était-ce cette claire volonté de l'enfant de rejoindre son père sur un territoire qu'on aurait pu penser hors de son atteinte qui rendait ce dessin si émouvant...

Degottex met ses pas dans ceux de sa fille, ou tente de s'approcher d'elle aussi près que Bulle (le chat) s'approche de ses doigts tendus...

Ainsi Degottex ne dessine pas des chats, il redit des dessins d'enfant...

Il reproduit ces dessins en les transfigurant - sans en altérer la figure - seulement par le mouvement du pinceau, le poids de l'encre et l'espace où il les inscrit. Mais bien plus il les engage avec lui dans l'itinéraire qui fut le sien.

Accompagné de sa fille, il revisite son propre parcours".