Chronique de l'ébranlement

La première partie de ce livre rassemble les principales chroniques parues à partir du 10 septembre 2001 dans la Lettre d'Analyse de defensa lorsqu'elles avaient pour propos d'apprécier ou de commenter la crise née de cet événement.

La crise née du 11 septembre représente un événement qu'on peut qualifier d'unique : c'est l'ébranlement d'un monde, d'un ordre du monde, d'une conception du monde dont les racines remontent à trois siècles, qui se fait sous nos yeux.

Nous sommes à la fois acteurs et spectateurs, conscients ou inconscients, de la rupture de notre monde.

Lire une chronique d'une époque aussi décisive, c'est retrouver les tensions, les moments exceptionnels, les jugements hâtifs, les intuitions lumineuses, les erreurs d'appréciation, les analyses qui vont au-delà de l'immédiatement perceptible. C'est restituer la solitude et l'ambition de l'esprit humain. C'est vouloir comprendre l'histoire en train de se faire, espérer en distinguer la substance et séparer celle-ci de l'accident pour tenter d'éclairer les mystères de notre temps.

La seconde partie propose une interprétation historique des événements décrits, dans le cadre de la civilisation occidentale, de la naissance et du développement des États-Unis d'Amérique, de leurs fondements mêmes, naturellement porteurs comme en germe de la suite, et du rôle singulier et, pour certains, inattendu, de la France, acteur principal de la crise avec les États-Unis.

Cet ensemble devrait mieux armer les esprits pour mesurer le poids et la force des événements qui secouent notre civilisation. Aujourd'hui, les citoyens ne peuvent plus se désintéresser des événements qui dépassent les frontières de leur pays. Ces événements affectent la vie quotidienne de chacun, comme jamais auparavant sauf en temps de guerre et de conflit. Mais là-dessus, nous pouvons nous poser la question de savoir si, justement, nous ne sommes pas précisément en temps de guerre et de conflit.

De defensa est une Lettre d'Analyse créée à l'automne 1985, pour suivre et commenter les événements de nature diplomatique et militaire, en particulier dans les domaines de la géopolitique européenne ou transatlantique. Le contenu a évolué à mesure que les événements eux-mêmes imposaient cette évolution. D'une vision essentiellement stratégique des rapports diplomatico-militaires, qui était l'essentiel de l'appréciation du temps de la Guerre Froide, on est passé à une vision beaucoup plus complexe et contrastée, où les facteurs sociaux, culturels, voire psychologiques, ont pris une place de plus en plus importante. De même, les clivages traditionnels, les alliances auxquelles nous étions accoutumés ont évolué d'une façon que nous n'envisagions guère du temps de la Guerre Froide, et avec une radicalité renouvelée depuis le 11 septembre 2001. En effet, l'événement de cette attaque terroriste contre les États-Unis a tout précipité d'une évolution que certains pouvaient distinguer en devenir tout au long de la décennie des années 1990. Qui, il y a quinze ans, pouvait envisager la situation d'aujourd'hui où la politique extérieure des États-Unis constitue le principal problème des relations internationales ? Et, lorsque nous écrivons le mot "problème", nombre d'entre nous, de plus en plus nombreux, sont inclinés à certains moments, de plus en plus nombreux également, à lui substituer le mot "danger".