Claire

Sur la page de couverture, la femme que l'on voit, réfugiée dans l'ombre, pourrait s'appeler Claire. Malgré les invitations appuyées du narrateur à son adresse: "... n'aie pas peur de te dévoiler! La sincérité de soi n'est pas une faiblesse mais un atout!... il n'est jamais trop tard! Incarne les mots du souffle de tes espérances et de la chair de ta vérité! Qu'ils emportent enfin le frisson de tes désirs quand ta parole les libère de ta bouche!", Claire redoute de faire le pas qui la conduirait vers la lumière... de sa sincérité.

Dans l'ombre, elle ne peut voir, mouettes ou autres voltigeurs ailés de la mer, se hisser sur les sommets veloutés du vent. Elle ne peut contempler les figures fluides, comme les mots de notre langue, qu'ils décrivent. Elle ne peut lire, dans le bleu du ciel, la chorégraphie des mots tendres jaillissant des lèvres embrasées du narrateur à destination de la femme aimée...

La lumière est pourtant là, si proche. La fenêtre est ouverte, un voilage se gonfle, ondule, épouse les formes éphémères que lui prête le souffle d'une brise de mer. "Et traçant des formes ouvertes/Tels des voiliers courant sur l'eau,/L'espace joue dans son sommeil-/Enfant qui n'eut pas de berceau.*"

Les souvenirs heureux, de la femme et de l'homme dont l'histoire est racontée dans ce roman, sont très lointains: "Te souviens-tu, Claire, combien entre deux vagues, nous nous sommes rapprochés, comment nos présences humaines provisoirement victorieuses, enlacées dans un pur instant de sincérité, se sont imposées malgré l'omniprésence déferlante de l'océan?"; par contre, la violence d'un affrontement passé mais encore proche reste inexpliquée: "... notre confrontation était dure, inhumaine; au sens propre du terme nous étions hors de nous-même et les larmes, de l'un ou de l'autre, étaient bannies. Difficile de dire objectivement... quelles étaient les forces qui nous menaient quand nous étions engagés dans cette spirale d'affrontements..."

* Huitains, Ossip Mandelstam, les poèmes de Moscou, Circé.* Première de couverture, aquarelle originale de M. Joyard "La pointe badine", 4 place F. Mistral, 06140 Vence.