Contes de la Lorée

Sous leur paisible apparence, les villes et villages de province sont souvent le creuset de petites intrigues, de grands drames et de sagas truculentes. Pour un observateur attentif, il suffit de tendre l'oreille et d'ouvrir les yeux pour découvrir ce tissu de relations ambiguës avec lesquelles la seule imagination d'un auteur ne peut que très rarement rivaliser. Reste cependant au talent du conteur à faire son oeuvre pour transformer ces anecdotes en récits savoureux mêlant le vrai et le faux, l'hier et l'aujourd'hui, l'humour et l'émotion...

C'est avec bonheur que Paul Tabet se livre à cet exercice en nous plongeant au coeur de la Mayenne, une région pour laquelle, visiblement, il éprouve beaucoup de tendresse et d'affection. Mais peu importe après tout où se niche La Lorée. Car des vaches qui ont besoin de grand air, des enfants morts d'un fou rire le jour de leur anniversaire, des familles qui se haïssent depuis toujours, des morts qui se rappellent au bon souvenir des vivants et des notables qui abusent de leur autorité... On en retrouve partout !

« Moi, je propose d'élire Dieu. Démocratiquement », clame soudain le cousin Albert au cours de la réunion paroissiale hebdomadaire qui précède la messe. Les cinq cents habitants de La Lorée l'appellent « cousin », le fils présumé du ferblantier, mort l'année dernière d'une crise d'apoplexie. Car les origines d'Albert sont si floues que tout un chacun pourrait être son cousin. Alors dans le doute...

Il est dix heures trente. Les premiers fidèles sont déjà dans la nef et papotent en attendant le début de l'office prévu à onze heures. Dans la sacristie, les douze participants au conclave s'agitent. Ils ont déjà avalé quelques rasades de calvados ou de pastis, sous l'oeil indulgent du curé qui n'a pas donné sa part au ciel...