Césars et apôtres

« Dans sa prison, Pierre a vécu un état étrange d'ex carnation. Peut-être lui était-il demandé de mesurer, avec son âme métamorphosée, les dimensions du sommeil profond qu'il avait connu dans la nuit de Gethsémané et qui l'avait amené au reniement. C'est une figure d'ange qu'il vit venir à lui et qui éclaira cette nuit de Pâques. Les chaînes étaient tombées de ses mains et, comme un somnambule, il avait suivi la lumière qui le précédait. Il avait passé à côté des gardiens, longé une rue, lorsqu'enfin il était revenu à lui. Émergeant de sa conscience somnambulique, il s'était trouvé, à son grand étonnement, devant la maison du Cénacle. N'avait-il pas déjà vécu cela ? N'était-ce pas à l'aube du premier matin de Pâques, lorsque, pris dans une même sorte de rêve, il était remonté de la grotte de Sion ? Conduit par une main invisible, il s'était retrouvé devant la même maison, où étaient réunis les autres disciples. Quel étrange destin le ramenait aussi clairement à son point de départ, et lui révélait d'une manière toute nouvelle le mystère de Pâques, en cette nouvelle aube pascale ?

Pierre ne pouvait pas manquer de se sentir définitivement libéré du poids de son reniement et de la perte de conscience qui en avait été la cause. À présent, tout était changé en lui. Les chaînes qui étaient tombées de ses mains étaient en même temps le signal de la disparition de ses dernières inhibitions. La voie vers le monde lui était ouverte.

C'est à Rome qu'il va. Il est animé d'un courage apocalyptique. Le pêcheur du lac de Tibériade ose affronter la métropole, qui se considère comme le centre du monde et qui abrite le culte des Césars. C'est avec toute l'intensité de son être qu'il va porter le message du Christ en plein dans l'antre de l'Antichrist. »