Crise globale et restructuration européenne

Notre science marxiste a analysé plus d'un demi-siècle de développement capitaliste, sur le marché mondial et en Italie, en utilisant des concepts et des formules qui renvoient aux tendances de fond du mouvement réel. Il s'agit précisément de synthèses scientifiques, dont l'objectif est de saisir et condenser le caractère-clé du changement économico-social dans une période donnée.

Les années quatre-vingt-dix encore, puis les années deux mille, ont été marquées sur le Vieux Continent par la restructuration européenne, les structures économiques, sociales et politiques ayant été orientées par le processus d'intégration. La crise des relations globales et le cycle de la dette, au tournant de la première décennie du nouveau siècle, mettent fin aux trente ans du cycle du libre-échangisme impérialiste : le caractère général libre-échangiste dans les échanges mondiaux demeure, mais l'intervention de l'État, sous des formes nouvelles, recommence à avoir du poids, dans la consolidation des dettes souveraines et les sauvetages bancaires et industriels. C'est le libre-échangisme de la nouvelle phase stratégique.

Une question est cruciale : ces concepts, ces synthèses et ces formules descriptives ne relèvent pas d'une prétention à « mettre un pantalon au monde », selon l'accusation sarcastique que le libéral Benedetto Croce adressait au marxisme. Ce sont des outils scientifiques, des approximations nécessaires, avec lesquels on tente de saisir le mouvement réel. Et surtout, ce sont les instruments d'un combat politique. L'élaboration recueillie il y a quelques temps dans La tâche inédite est une présentation de ce lien entre les batailles politiques du Parti et leurs présupposés dans l'analyse scientifique et stratégique. Avec ces instruments, il a été possible d'avoir une idée des proportions des forces en présence, il a été possible de s'opposer à l'influence des forces adverses et d'en connaître les contradictions, d'échapper aux pièges de l'attente passive ou de l'impatience du temps psychologique.

La connaissance du cycle politique européen et de ses contradictions a imposé de mettre à jour la tâche inédite, c'est-à-dire la bataille pour enraciner une organisation léniniste dans une métropole impérialiste mûre. Aujourd'hui, le défi est de l'affermir au coeur de l'impérialisme européen.

Voilà pourquoi les analyses et les recherches scientifiques ne sont jamais un acquis définitif ; voilà pourquoi les concepts et les analyses du changement doivent aujourd'hui être mis à jour par rapport aux nouvelles conditions du cycle européen et de la nouvelle phase stratégique. Ce n'est pas une présomption intellectuelle. Il s'agit de découvrir, adapter, perfectionner les armes théoriques du marxisme, pour la bataille politique révolutionnaire au cours du changement d'une société que la maturité impérialiste a conduite à la putréfaction. La connaissance scientifique de ce changement est le préalable incontournable de la lutte pour le communisme.