Dans l'éclair

La conscience foudroyante de l'exil : tel est l'acte majeur, aussi banal et aussi redoutable que l'éclair, par lequel les textes d'Isabelle Lebrat deviennent possibles. S'ils sortent du néant avec la même fulgurance que l'oracle ou la maxime, ils ont conservé cependant la chaleur, le crépitement électrique où se signale un sujet à la fois déployé et déchiré. Car la langue, de récurrentes images le disent avec une rare puissance, est bien cet espace, inapproprié et barbare où il faut vivre d'absence et goûter à sa cendre, ce lieu d'exil où le sujet se perd, s'ensevelit quand précisément un "je" s'y retrouve - lui-même ou l'autre qui gît en lui. De cet apparent paradoxe, on peut, dans la trame du recueil, localiser la pulsation : ricochets de la signification et ambivalences grammaticales finement calculées rendent le sens indéterminable, les sens déterminants. Le poème, qu'il parle d'amour, de mort, de désir ou d'absence acquiert alors une épaisseur diaphane, riche de ses propres possibles, qui rémunère sa brièveté, une enveloppe moirée, toute de carnation sonore, faisant de ce livre une étonnante étude d'harmonie musicale.

Didier Kuntz

Collaboratrice à la revue Recueil (Champ Vallon), où elle rédige articles, critiques et notes de lecture. Isabelle Lebrat, vingt-sept ans, a déjà publié des poèmes en revues. Actuellement, elle enseigne les Lettres-modernes en Lorraine.