De Bastelica à Bastelicaccia

Cette étude n'est pas une monographie villageoise. Elle appartient plus précisément au genre que les historiens de profession qualifient de micro-histoire et elle a pour ambition d'éprouver une méthodologie qui n'a d'intérêt que par rapport au comparatisme qu'elle peut susciter avec des problématiques plus générales.

Aussi ne s'adresse-t-elle pas seulement aux gens du cru, encore qu'elle ne manquera pas de «parler» d'abord à des Bastelicais, familiarisés avec l'état des lieux (toponymes et patronymes) qui est indissociable du propos. C'est une approche qui, à partir du champ expérimental de la vallée du Prunelli et de la relation pluriséculaire qui s'établit entre muntagna et piaghja, a pour fil conducteur le thème de l'occupation de l'espace appréhendé sous l'angle des rapports entre communauté-mère (Bastelica) et communauté-fille (Bastelicaccia).

Le problème se pose déjà au Moyen Age où Bastelica-montagne n'a de sens et de chance de survie que par son emprise complémentaire sur la plaine. Elle se défendra pied à pied face à Ajaccio, préside génois colonisateur et hégémonique, et sauvegardera en partie ses droits ancestraux. Mais la gestion de l'espace, c'est aussi celle des biens communaux, des prese, des forêts et le difficile équilibre à maintenir entre contraintes collectives et individualisme agraire.

Les auteurs ont voulu -et c'est peut-être là que réside l'intérêt novateur de l'enquête- étendre leur investigation au XIX^e siècle et mettre en lumière les mutations nées de l'intrusion de l'Etat et de la modernité dans la vie communautaire : remise en question des «usages», nouvelles conceptions de la gestion de l'espace, strict encadrement de la vie collective. Il s'ensuit une déstructuration de l'«ordre ancien» et la genèse d'un «ordre nouveau» qui va dans le sens d'une affirmation de l'entité villageoise de Bastelica, aux dépens de l'ancestrale structure des terzieri.

Ce travail est le fruit d'une étroite collaboration. Il doit à Jean-Jacques Usciati, co-auteur de l'ouvrage, la connaissance empirique du milieu local dont il est originaire et à son directeur d'étude, Francis Pomponi, professeur honoraire des universités, l'expérience qui a permis de creuser le sillon d'un champ de recherche qui lui est familier.