Des colonies françaises

Malmené sur les réseaux sociaux et par le récent déboulonnage de ses statues aux Antilles et en Guyane, Victor Schoelcher est revenu sous les feux de l'actualité après avoir sombré dans l'oubli depuis un demi-siècle. Les politiciens locaux, sous la III^e et la IV^e République, lui ont pourtant voué un véritable culte en guise de gratitude car, à leurs yeux, c'est lui qui a brisé les chaines des esclaves pour leur permettre d'accéder à la liberté et à la citoyenneté.

Ce phénomène, connu sous le nom du Schoelcherisme, est à l'origine de l'inflation de statues et de noms de rues dédiés au nom de Schoelcher et devenues désormais des cibles pour ses détracteurs.

On en a oublié de s'intéresser à l'oeuvre réelle de Victor Schoelcher. Dans cet ouvrage, publié en 1842, Schoelcher qui revient alors d'une tournée dans les Antilles, poursuit son cheminement personnel sur l'émancipation des esclaves et opte, désormais, pour une abolition immédiate. C'est à un authentique travail d'anthropologie et de sociologie sur l'univers esclavagiste antillais qu'il se livre ici pour en arriver à cette option radicale : la place du fouet qu'il qualifie de « l'âme des habitations », du poison ou du marronnage y sont étudiés à la lueur du préjugé de couleur qui conforte les maitres dans leur refus obstiné de toute évolution du statut des esclaves. Schoelcher incrimine parallèlement l'État et l'Église catholique jugés complices de cet état de fait.

La lecture de cet ouvrage est indispensable pour comprendre la place réelle de Schoelcher dans le processus abolitionniste de 1848, à l'origine de tant de controverses de nos jours.