Désordre en douze temps

Dans les relents tiédasses des soirées sans fond, la tête encore bourdonnante du plaisir d'écouter, j'ai fini par me demander ce que je foutais là, accoudé au zinc...

La réponse coulait d'elle-même, tranquille et sirupeuse : là, dans ce troquet sans prétention, s'épanouissait la sève populaire dans ce qu'elle a de plus vivant ; j'ai plissé un peu les yeux comme pour mieux absorber ce nectar, mieux fixer mon souvenir. Je souriais en les regardant, tous différents mais tellement bien assortis.

Des piliers indéboulonnables aux simples passants, des dépendants aux dilettantes, des grandes gueules aux réservés. Et puis la pénombre, l'intimité de quelques mots sincères et passionnés... Des parcelles d'existence qui s'offrent, comme on tend une bière à un assoiffé.

Accoudé au comptoir, je comptais les verres, les rêves, les déboires. Un plaisir tellement bien partagé. Dans ma tête, les idées et les mots se bousculaient au portillon branlant de mes émotions. Des mots surtout, des mots simples. Des encore, des merci.