Donner corps

Donner corps

« Donner corps » ! Quel beau titre ! Quel beau titre à ce livre qui flirte avec le proche et le lointain, l'absence et la présence éperdument renouvelées et contiguës de force et de noblesse, se nourrissant les uns les autres d'un amour disparu. Donner corps à ce qui se termine, car c'est bien ainsi que les mots de Joëlle Soyer circonscrivent ce qui brûle le coeur et les rétines, l'âme blessée. Locataire assidue de l'espace conjoint, sur la pointe des pieds, elle nous démontre comment il est imprudent et doux à la fois d'aller au petit jour du souvenir à la rencontre de l'oeil parfumé d'un ange arrimé à son épaule blanche.

Et puis passent les mots, les jours. Certaines semaines maintiennent le désir à feu doux ou bien le portent à forte incandescence, ce soir, demain, cet automne peut-être. Au plus fort de la foudre d'envie, devant une feuille d'érable, un meuble, un nuage, elle nous donne le chiffre exact du décodage de la chose belle, cet espace secret qui nous aide à vivre de la joie de la boire afin de célébrer l'absence de ceux qui furent à nos côtés. Oubli, flacon des mémoires.

Lisez ce « Donner corps », prenez le dans vos bras : vous trouverez en lui comment célébrer l'absence de l'amour en allé malgré le froid et le ruissellement des eaux, les branches lourdes, vous découvrirez comment la présence des choses se gravent sur les feuilles et deviennent mots, corps de femme assise, allongée, nue, n'aspirant qu'à vivre, qu'à rompre ce qui ne pliait pas.

Joëlle Soyer, merci pour ce graphisme de haute volupté.