Où tes traces...

On dira que le narrateur se consacre, depuis des années, depuis toujours, à l'écriture d'un cycle dont Prague, ville et mythe, est la colonne. Editeur, par ailleurs, il est bouleversé, à l'occasion d'une rencontre professionnelle, par la qualité d'une amitié qui envahit progressivement sa liberté et son être. Il enferme son manuscrit - décide de vivre l'histoire compliquée qui lui est offerte. Fil tendu et incandescent d'une expérience intérieure. Elle débouchera brutalement sur la mort.

C'est elle qui, dès l'abord, justifie l'existence du texte. Une blessure incicatrisée se rouvre dans le vécu du deuil et dans le sillage même de l'écriture qu'il inspire. Ainsi Psoas irradie jusque dans la confrontation du narrateur avec ses fantômes. Où tes traces... en est la passerelle plus que la succession. On le lira cependant à la suite, après un temps de respiration. Des sables mouvants, monte un homme doux, ironique, lointain - un homme qui passe. L'auteur tire sens et redonne épaisseur à l'insaisissable : raison et défi de toute écriture. Histoire d'amour ? Mais pas seulement : analyse minutieuse, intransigeante des sentiments - qui suis-je ? qu'est-ce que cet autre, mon frère, mon prochain ? ; constat d'une réalité humaine - ni la vérité, mot redoutable, ni l'espérance, trop galvaudée, ne conjurent l'exercice solitaire de l'amour.

Où tes traces... figure dans le cycle Eaux dérobées qui comprend plusieurs volumes dont Psoas, Lettre à une amie allemande, Devant Pluton. Daniel Cohen a également entamé un cycle romanesque prago-berlinois, D'humaines conciliations, dont le titre éponyme est son premier volet.