électron libre

Publié - comme tous les ouvrages de Bernard Lorraine - sans le concours du Centre National des Lettres (formule consacrée dans le microcosme de l'édition) c'est-à-dire sans le recours à la charité publique, Electron libre gravite à contre-courant des tendances, des thèmes, des esthétismes et des usages de la production officielle contemporaine. A contre-courant des ukases d'ordre esthétique, puisque, la plupart du temps et quand ça lui chante, il ne s'interdit ni la rigueur d'une métrique, ni la rime, ce crime inexpiable ; même s'il succombe parfois aux facilités des vers libres, libres de n'être pas des vers. (Merci, Jacques Audiberti.)

Cette centaine de pages s'accorde souvent le droit de jouer avec la désinvolture, la provocation, le burlesque, le sarcasme, le cynisme et même le mauvais goût affiché. Qui s'en offusquera par les temps qui courent ?

Au rebours du poétiquement correct, du moins dans sa pratique et ses errements actuels, Electron libre revendique la liberté de renouer avec la préciosité - voire le maniérisme - d'un thème érotique que nos poètes ont longtemps tenu en honneur. Les 25 sonnets secrets (oh, si peu !) pour la rose et l'orchidée voudraient en être une défense et illustration.

O tempora ô mores ! l'activité des producteurs d'une pornographie désormais banalisée dans sa trivialité quotidienne est exempte de moralisme simpliste. L'ironie suffit et y supplée.

L'hypothétique lecteur ne saurait s'y méprendre : le ton sarcastique de la rubrique La gloire et l'ordinaire des poètes est une simple invite à la modestie et à la distanciation, un vaccin destiné à prévenir de toute infection ou contamination leur égo boulimique et surdimentionné, leur narcissisme pathologique et stérilisant. Avis donc à la tribu !

Enfin, si l'emploi d'un français (grammaire, syntaxe, sémantique, images, etc) génétiquement modifié en a été exclu, si l'hermétisme des bricoleurs des laboratoires linguistiques en a été banni, c'est affaire de tempérament. A l'exemple de Montaigne, «je ne cherche aux livres qu'à m'y donner du plaisir par un honneste amusement...Les difficultés, si j'en rencontre en lisant, je n'en ronge pas mes ongles ; je les laisse là, après leur avoir fait une charge ou deux.»

Ces quelques éclaircissements suffisent. Quant au recueil lui-même, à l'instar de tout poème, il se passe de justification.

Bernard Lorraine