Emblèmes et pensée symbolique en Lorraine

De la conclusion sanglante de la guerre des Paysans (1525) à la première occupation française (1633), la Lorraine ducale, région d'échanges et de passage entre les Flandres et l'Italie, la France et l'Empire, affermit une vision singulière du monde, de l'histoire et de la foi, connue surtout par une floraison de brillants artistes, Jacques Bellange, Jacques Callot, Jean Le Clerc, Claude Déruet, Georges de La Tour. L'expression symbolique, dans les recueils d'emblèmes, les décors de fêtes et d'entrées, les médailles, les collections de livres et de curiosités, en révèle les mécanismes et les valeurs.

Longtemps négligées, les images auxquelles est dévolue la tâche de manifester ou de voiler une pensée, deviennent miroir de civilisation d'un petit Etat souverain continuant dans le voeu théologico-politique du "jardin au coeur de la chrétienté", le rêve chevaleresque et mystique du "parc d'honneur austrasien". La Lorraine évêchoise en est le contrepoint, avec des assises sociales, des options et des destinées à la fois différentes et solidaires. La reconstitution concrète, minutieuse de la chaîne d'échanges très complexe entre le texte et l'image, entre les savoirs et les formes, fait surgir des milieux attachants : la cour de Nancy, dévote et fantasque, qui tente d'égaler Florence ou Munich ; les cercles d'humanistes de Saint-Mihiel et de Metz, chez qui la sensibilité calviniste s'associe à des curiosités de voyageurs et d'"antiquaires", au goût pour les signes secrets et la sagesse conciliatrice des Anciens.

Par l'étude de centaines de documents de première main, la plupart inédits ou inexploités, l'ouvrage applique à une aire régionale - mais en l'ouvrant à des préoccupations qui sont celles de toute l'Europe de cette époque - une méthode d'interprétation fondée sur la confrontation des disciplines : histoire religieuse, histoire politique, histoire de l'art et philosophie. A l'abri des commentaires et des patrons conceptuels trop à la mode, cette étude profondément originale inaugure avec finesse et liberté un nouveau genre historique.