Esthétique et pouvoir de l'oeuvre allégorique à l'époque de Charles VI

Eustache Deschamps, Jean Gerson et Alain Chartier font figures d'auteurs engagés à une époque instable, minée par la crise de la royauté, le Schisme et la guerre. Conscients du pouvoir de l'allégorie, moteur de quête de sens et outil d'analyse du monde, ils renforcent l'implication du lecteur dans le texte afin de forger, par le biais des images et du discours, un programme de réformation des forces sociopolitiques. En particulier le prince, lecteur idéal, se trouve projeté dans l'aventure de la senefiance, parce que l'effort de décodage du sens éclaire, rend sage et bon roi. Cette dynamique réformatrice de l'oeuvre allégorique prend appui essentiellement sur les ressorts de l'image, fonctionne dans l'articulation dialogique entre intertextes, comme le montre notamment l'analyse de l'Ovide moralisé, et table sur la sollicitation des représentations socioculturelles du lecteur. Le Miroir de Mariage, les opuscules de Gerson sur le psaltérion mystique et le Livre de l'Espérance sont les trois textes phares où l'expérience du «sujet du texte» est interprétée comme le reflet de l'action qu'entend exercer l'écriture sur le lecteur en vue de le «restaurer» à l'image divine et pour le bien commun. «Car comme uns asnes couronnez est uns rois terriens sanz lettre».