Et Abel tua Caïn

15 mars 1986 : Noël Falleti comparait devant les assises du Rhône pour fratricide. Deux ans plus tôt, il avait étranglé son frère aîné, Domenico, ouvrier agricole dans le Beaujolais. « Étrange procès », écrit le chroniqueur judiciaire du Progrès de Lyon : dans une ambiance qui évoque une tragédie grecque, « tout se passe comme si l'on avait à juger la victime et non le meurtrier. » Le procès du fratricide fut en effet un curieux moment de justice. Grâce aux témoignages en sa faveur de la veuve, grâce à une plaidoirie d'anthologie d'un grand pénaliste, maître La Phuong, Falleti s'en tire plutôt bien : cinq ans de prison pour ce « fratricide aimé de tous les siens », sorte d'Abel qui aurait tué Caïn.

Afin de combattre les remords qui ne le quittent jamais, Noël Falleti a écrit sa vie cabossée, son père assassiné par la mafia, sa mère qui le battait, la dérive éthylique de son frère, l'épreuve de la prison, entre humiliations, violences et rencontres de personnages hors normes. Ces pages d'écriture se transforment en un épais pavé, un cri tout de violence et de sensibilité. Conducteur d'engins de travaux publics, maçon, carrossier, Falleti a des mains en or. Mais l'écriture est une autre affaire. Il a de la peine à venir à bout de son combat avec les mots. Alors, vingt-cinq ans après l'avoir aperçu au palais de Justice de Lyon, il retrouve Pierrick Eberhard, le chroniqueur de son procès, pour lui demander de l'aider à écrire le roman de sa vie. « Un livre vrai », souligne Bernard Bolze, fondateur de l'Observatoire international des prisons, dans sa préface.