Et in pictura fabulator

"Avec une pomme, je veux étonner Paris", clamait Paul Cézanne. Le peintre aixois reste un des pères spirituels de la peinture moderne et si la révolution opérée par lui a eu une extraordinaire incidence dans l'histoire de la peinture, il n'y a pas à s'étonner que son oeuvre ait retenu si durablement l'attention des poètes, des écrivains et des philosophes français aussi.

L'ambition de ce livre est de faire ressortir Cézanne comme celui qui "fait penser" et qui permet de regarder l'image comme un noyau de sens qui exhibe la complexité culturelle de notre "sentir", horizon à partir duquel il est possible d'enquêter sur les niveaux qualitatifs et sur les nuances invisibles qui sont dans l'apparence esthétique des choses. Chez Cézanne, l'image permet, d'un côté, d'approfondir le sens de la visibilité et, de l'autre, de saisir les couches invisibles qui trament notre rapport avec le monde. Pourquoi donc des auteurs de grande importance et appartenant aux plus différentes physionomies artistiques, littéraires et philosophiques (de Zola à Breton, de Simon à Maldiney) ont-ils répondu avec une grande intensité à la fascination et au rappel de Cézanne ? De la mythologie du peintre à la "virginité du monde", la peinture de Cézanne miroite chez eux l'alliance du sensible et du spirituel dans l'art. Voilà les questions et les articulations que ce texte voudrait aborder, en relisant les moments les plus hauts du dialogue entre littérature, poésie, philosophie et peinture.