Ethique

L'Ethique de Spinoza est un des livres essentiels de la spéculation humaine. Il expose avec audace et minutie une des grandes réponses formulées par l'être humain pour donner un sens à sa présence dans l'univers. Mais c'est également, quiconque a tenté de le faire ne le sait que trop, un des livres les plus difficiles à lire, à étudier, et surtout à comprendre. Il est toutefois permis de constater deux ordres de difficulté : une difficulté d'accès liée à la présentation du texte, et une difficulté de compréhension des concepts, liée à l'originalité et à la dimension globale de la pensée.

Faciliter l'accès au texte imposait alors une présentation nouvelle de l'Ethique, consistant à situer en notes de bas de page, immédiatement sous le passage en lecture, les renvois de Spinoza aux démonstrations, propositions, définitions, axiomes précédents, le texte des renvois y étant intégralement reproduit, sauf en cas de longueur excessive, auquel cas la page où ils figurent est indiquée. Cette disposition typographique permet ainsi de lire le texte de Spinoza soit en retournant en notes de bas de page aux renvois mentionnés, et dans ce cas cette consultation est rendue aisée et rapide ; soit en n'y retournant pas systématiquement, et le texte apparaît cependant clairement, débarrassé des parenthèses et des variations typographiques traditionnelles qui le hachaient.

J'ai basé le texte de la présente édition sur celle d'Emile Saisset, parue chez Charpentier en 1861, en y apportant les corrections et les leçons qui m'ont semblées indispensables. J'ai en outre, constamment et aussi soigneusement que possible, corroboré le texte de l'édition Saisset avec le texte latin édité par M. Charles Appuhn dans sa seconde édition de 1934, basé sur celui de l'édition Gebhardt, afin d'en corriger les contresens et les erreurs, et de rétablir dans toute la mesure du possible la fidélité à l'original de Spinoza.

Cela m'a conduit à établir un texte en fin de compte pratiquement nouveau, que j'espère aussi fidèle que possible à la lettre et à l'esprit du texte spinozien original, tout en restant écrit en un Français aussi lisible qu'il est permis de l'envisager.

En définitive, mon unique souhait est que quiconque ayant jamais refermé le livre de l'Ethique convaincu que la lecture en était trop difficile, parvienne peut-être à le lire jusqu'au bout pour, si l'on peut dire, n'avoir plus qu'à le méditer, et pouvoir, avec Spinoza, jeter sur sa propre vie et sur le monde un regard étonnamment neuf et joyeux.

Jean-Pierre Jackson