Fiche technique
Poids : 400 g
Dimensions : 30cm X 39cm
ISBN : 978-2-490843-06-0
EAN : 9782490843060
Quatrième de couverture
J'ai toujours été frappée durant les séances de croquis, combien le modèle, homme ou femme contraint à l'ennui de l'immobilité, entrait en quelques secondes dans une sorte de disparition résignée, cette descente en soi lui donnant malgré lui, malgré elle, une expression hypnotique de grande détresse, d'innocence ou de solitude tragique. C'est ce que j'ai retrouvé dans ces portraits photographiques, l'absence totale de narcissisme ou de conscience même de l'autre, la peinture donnant l'illusion qu'il se passait quelque chose derrière quoi le visage se retirait. Mais ce rituel silencieux, cette proximité préalable au moment de la prise de vue, ce contact par le pinceau, n'était finalement qu'un simulacre pour révéler la puissance des regards nus, comme un sas de concentration avant la scène. Après quoi, la lumière du jour implacable, la peinture posée grossièrement ont fini de révéler cette sorte de recueillement involontaire.
L'idée un peu soudaine de ce projet s'est concrétisée très vite, l'atelier de Marc jouxtant le mien à Motoco, treize des vingt-deux modèles y étant résidents, l'affaire s'est presque faite à huis-clos. Tous les autres ont immédiatement répondu présent et je les remercie infiniment de s'être prêtés au jeu, d'avoir accepté ces images qui souvent les vieillissent et les dénudent. C'est l'oeil de Marc Guénard qui a donné toute la force à l'ensemble, il est le seul photographe avec lequel il était possible d'aller jusque-là sans avoir à échanger une parole ou presque.
Croisement des exigences et magie de la rencontre.
Anne-Sophie Tschiegg
Dans cette série « Faces », la notion classique du portrait ne s'est pas pour autant évaporée. La perception du visage de l'autre, la projection de visages fantasmatiques, l'impossible contact avec son propre visage, ces thèmes essentiels vivent dans ces photographies. Mais le travail de peinture trouble ces perceptions, le regard des modèles, évanescent ou tendu, vibre de l'inquiétude et de la tension d'un affrontement à venir et il s'expose dans sa plus extrême incarnation.
Les visages se font écho, selon l'arbitraire du cadrage le plus serré, de la disparition du décor ou des variations de la lumière naturelle.
Grâce à la confiance et la complicité qui nous ont accompagnés tout au long de ces séances, j'ai pu expérimenter cette immédiateté de la vision, parfois brutale, avant toute parole. Je parle de distance au modèle, de distance juste, une distance au monde. Cet exercice oblige à une constante mobilité et à travailler dans l'incertitude. J'ai été ému d'être le premier à voir naître ces visages traversés par la peinture d'Anne-Sophie Tschiegg et à vivre ce court instant où l'âme est troublée par l'intensité de ses couleurs et de la lumière.
Marc Guénard