Faire dame en passant

Comme je me revois après des années ! La carte arrimée par les doigts de la main gauche, je dessine avec amour les contours de mon pays. Quel bonheur, la presqu'île du Cotentin, à l'index levé, dont la mine du critérium rend la dentelle des côtes ! Et la Bretagne, comme la tête d'un chameau tournée vers les lointains ! Quel repos, ce long trait du Bassin aquitain que baigne une étendue bleue où les pins se reflètent ! La Loire dessine un grand lacet prenant sous sa robe la France méridionale. La Seine est un serpent. Ou le fouet d'un dresseur. Le Rhône déboule au milieu des vignes : il ne faut pas rater le trident - à vrai dire, le delta - de l'estuaire ni oublier l'étang de Berre. Je prends mes Caran d'Ache pour hacher de bleu les côtes, et je mets du marron avec des traits plus foncés pour les montagnes. Quelques éclairs de gouache ne sont pas exclus sur les sommets qui connaissent les neiges éternelles. Quand j'aurai de la peinture à l'eau, j'inonderai l'Océan de bleu clair, réservant un bleu plus foncé pour la Méditerranée où flottent les lettres penchées comme des navires.