Paru le 01/12/2005 | Broché sous étui 57 pages
Public motivé
Avec son réseau tentaculaire d'abonnés, son ubuesque président à vie, manipulant avec de grosses ficelles des légions d'agents subalternes et de détracteurs cooptés, Yann Toma a su faire de Ouest-Lumière une fiction heuristique. Heuristique, car, à cette fiction d'entreprise réticulaire, indéfinissable, néolibérale, correspond une réalité économique : la colonisation du monde vécu par le capital, rendue possible par le biais de la généralisation du travail immatériel, dont l'artiste incarne l'idéal type. Entreprise immatérielle, Ouest-Lumière est emblématique de ces métamorphoses de la composition anthropologique du travail dans nos sociétés où, à l'économie fordiste fondée sur la production d'objets, se substitue une rationalité post-fordiste dont le fondement devient la production de sujets consommateurs d'objets. Les «dispositifs de subjectivation» dont parle Deleuze, que le monde de l'art contemporain, dans un mélange de candeur et de cynisme propre à lui, s'emploie, à son insu peut-être, rarement à son corps défendant, à mettre à la disposition des industries de l'immatériel, se voient, à Ouest-Lumière, mis en évidence pour ce qu'ils sont : des dispositifs de production de nouveaux secteurs d'accumulation capitaliste. Telle est la dimension politique de l'entreprise fictionnelle de Yann Toma : c'est aussi son abyssale ambivalence. D'où la question : faut-il abolir Ouest-Lumière ?
Stephen Wright