Gilles Hamesh, privé (de tout)

Sous l'énigmatique pseudonyme de durandur, se dissimule un dessinateur honorable et de bon goût qui, à l'époque de la parution de cet album outrageant et injurieux, avait très peur que sa maman le reconnaisse. Ce n'est pas le cas de Jodorowsky qui, délaissant pour une fois ses chers univers de SF et l'ivresse du cosmos mental, eût été au contraire très fâché qu'on ne le reconnaisse pas! Car cette exploration trash des noirceurs les mieux enfouies de l'âme humaine à toutes les chances de marquer durablement les estomacs les plus accrochés et d'exorbiter les yeux les plus décillés. Inutile de dire qu'il est déconseillé de mettre l'ouvrage entre toutes les mains, à moins qu'elles ne soient déjà sales. En héritiers de sade ou de bataille, revisités par Dashiell Hammett et pulp fiction, Durandur et Jodorowsky sont descendus au plus profond d'eux-mêmes, en des zones extrêmes et périlleuses, pour tendre à leurs lecteurs le miroir des abîmes insondables du psychisme. Touchant et authentique à force d'excès, poétique à force d'accumuler ordures et déjections comme autant de fétiches empoisonnés, drôle à force d'énormité, ce livre culte gagne en impact et en folie en étant réédité dans le format dense de la présente collection dévolue à la réédition en noir visqueux et blanc hurlant de chefs-d'oeuvre du bizarre et du polar réunis.