Gouverneurs de la rosée

 Quand Emmanuel, l'enfant du pays, rentre au village, c'est l'effarement : il avait quitté un havre de paix et de prospérité luxuriante, il retrouve une sécheresse terrible, sur la terre et dans les cœurs. Arrivera-t-il à s'élever contre ce qui semble être la volonté du ciel ?

Cela pourrait n'être qu'une fable au message politique et profondément humain, sur la nécessité de l'espoir et de la persévérance, et cela serait déjà beaucoup. Mais Jacques Roumain, en plus d'avoir fondé le premier parti communiste haïtien, était linguiste. Mêlant intimement le créole et le français, il crée une langue sensible et puissante, imprégnant son texte d'une réelle poésie. Magnifique.

Manuel a laissé la terre qui l’a vu naître pour se rendre à Cuba, où le travail est abondant. Après quinze années d’absence et d’exploitation dans les champs de canne, il revient dans son village de Fond-Rouge. Mais le paysage a bien changé. Les mornes fatigués ont la couleur du soleil couchant et les plaines brûlées portent les stigmates d’une bataille inachevée. L’eau ne coule plus. Manuel, homme de conviction et de détermination, retrouve une source et se donne pour tâche de faire venir l’eau au village. Réunir la force de ces paysans, que des querelles ancestrales ont dispersées, est la seule solution pour venir à bout de cette entreprise laborieuse. Avec l’aide d’Anaïs, jeune fille du camp rival qu’il chérit d’un amour idéal, il réussira à rassembler ces gouverneurs de la rosée, quoique lui en coûte son opiniâtreté.

Jacques Roumain nous laisse ici un chef d’œuvre de la littérature haïtienne qui ne laisse indifférent ni les avatars des systèmes politiques incohérents, ni les êtres de cœur invariablement passionnés que nous sommes.