Graham Greene et ses héroïnes

Graham Greene avait exercé tôt sa plume en devenant journaliste, grand reporter, puis envoyé spécial du Sunday Times, du Times, de Life, du Figaro et de Paris-Match, entre 1936 et 1952. Le matériau se constituait alors à son insu de son oeuvre romanesque car lui-même disait : « l'écrivain cherche moins un sujet que c'est le sujet qui le choisit ».

En y ajoutant l'imagination et le sens du tragique, de l'humain, et de sa quête spirituelle, Greene écrivait des best-sellers aux intrigues policières aux éclairages multiples, mais dans un monde systématiquement masculin.

La question sous-jacente ne manquait pas de m'apparaître si, à côté des héros, les femmes étaient en retrait, des faire-valoir, opportunistes, séductrices ou traîtresses : où se situaient les intentions d'un romancier quand, de toute évidence, les héroïnes d'âge mûr n'entraient pas dans son paysage psychologique ? L'absence n'était-elle pas un symptôme ? La toute jeune fille, de préférence disponible à son appétit, avait en écho les vieilles femmes symboles d'un destin néfaste. Evidemment l'interprétation pouvait être autre.

Mysoginie ? Timide prudence ?...

Les romans de Greene ébauchent des solutions à ce suspense. Tout autant, j'allais pouvoir solidifier l'opinion à m'en faire au long de substantielles conversations que l'écrivain a eu l'amabilité de m'accorder lorsque je lui avais fait part de mon intérêt pour ses écrits et de ma surprise quant aux arguments parfois contestables mis dans la bouche de ses héroïnes.

La méthode du « divided mind », cet esprit partagé dans la ligne de Henry James, correspond fondamentalement au tempérament d'un écrivain membre du Foreign Office en tant qu'Agent secret, et passionné par la double nature de l'homme en quête du Bien mais succombant au Mal qui sera son péché.