Henri Bosco et le romantisme nocturne

Henri Bosco (1888-1976) : écrivain de la Provence, auteur de livres pour enfants ? Romancier étonnamment complexe plutôt, dont le présent recueil s'attache à dénombrer les mystères et les ressources. À la faveur du V^e colloque international consacré à cet écrivain, réuni à Strasbourg en octobre 2002, des savants de divers horizons abordent Henri Bosco et le romantisme nocturne. Le thème est central dans l'oeuvre, comme l'indiquent les titres mêmes, d'Un rameau de la nuit à Une ombre : l'écrivain de la profondeur se révèle au miroir des ténèbres. Et l'inspiration nocturne permet même d'apercevoir dans sa logique continue toute l'oeuvre de Bosco, de comprendre son essor et d'en proposer une périodisation raisonnée. Mais c'est aussi tout un pan d'histoire littéraire qui doit être mis au jour, toute une chaîne d'héritages, de Dante au romantisme allemand : ici des documents et témoignages inédits apportent un éclairage tout nouveau. Cette oeuvre, parce qu'elle a pris son essor dans les années 1930, nous découvre un phénomène de génération, celle d'un Giraudoux, une génération se demandant si l'authentique romantisme n'est pas, cent ans après l'officiel, advenu dans les Lettres seulement aujourd'hui.

En surplomb cependant de ces filiations à dessiner et de ces connaissances à établir se construit au fil de l'ouvrage une poétique de la nuit. Plus précisément, quels rapports esthétiques s'instaurent entre la nuit et le roman ? Les approches les plus modernes - l'herméneutique, la mythocritique, la narratologie - sont ici convoquées pour tâcher d'approfondir, à travers le cas de Bosco, les lois du genre romanesque qui se font jour par l'inspiration nocturne, qui absorbe la narration dans la description, modifie l'objet même du récit, le met en cause et le questionne. La nuit est, pour le romancier, ce qui suscite une voix dans le narrateur ; et pour l'artiste, ce qui empêche la représentation - ce qui, presque hors du champ de la peinture et par le recours crucial à une musique, produit un double intérieur de la réalité : l'univers de l'oeuvre.