Hergé archéologue

Alors qu'il réinhume la momie d'une chamane qu'il vient d'étudier en Iakoutie, Eric Crubézy est frappé de la similitude de sa situation avec celle de l'expédition qui osa rapporter en Occident la momie de Rascar Capac. Ce thème bien connu, celui des Sept Boules de cristal, sert de base à sa réflexion sur l'archéologie et le devenir des restes humains. A partir de là, Eric Crubézy, en tintinophile averti, parcourt l'oeuvre d'Hergé et tente de cerner les origines de sa vision de l'archéologie ainsi que de celle de l'école de la bande dessinée franco-belge. Les Cigares du pharaon, Les Sept Boules de cristal, Le Temple du Soleil mais aussi Le Secret de la licorne, Le Trésor de Rackbam le Rouge et Le Mystère de la Grande Pyramide sont bien sûr analysés.

Jusqu'à présent, Tintin, avec ses savants croqués comme des rêveurs, voire des aventuriers, découvreurs de pyramides ou de cités perdues, mais aussi, pilleurs d'épaves ou de tombeaux a poussé les archéologues à se méfier de l'oeuvre, n'y voyant qu'une reprise de clichés. Et pourtant, si l'oeuvre reflète l'évolution du monde, ne révélerait-elle pas celle de l'archéologie ? Mieux, si elle introduit du sacré dans le profane, de l'humain dans la science, alors ne pourrait-elle pas être sujet de réflexion pour ces archéologues, idéalistes qui voient du culturel ou du sacré dans tout ce qu'ils ne comprennent pas, comme pour ceux dont les explications matérialistes éliminent tout détail qui échappe à une logique concrète ? En retour, la vision qu'ont nos contemporains de l'archéologie n'est-elle pas inspirée en partie par Tintin ?

Le héros à houpette, qui nous montre que le contemporain, ce n'est pas seulement l'occidental mais c'est aussi l'autre, l'autochtone, celui de là-bas mais aussi celui d'ici, ne pourrait-il pas nous offrir une autre réflexion sur l'archéologie : celle des autres, des Quechuas et des Iakoutes ?