Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 139 pages
Poids : 190 g
Dimensions : 15cm X 21cm
ISBN : 978-2-88927-341-6
EAN : 9782889273416
Les libraires en parlent
Ma mère a rempli mon bol. J'avais la nausée. J'ai bu, mangé encore. Je mangeais toujours à outrance devant elle. Ravie, elle a recommandée une galette.
- Tu es si belle quand tu manges, ma fille.
J'ai dégluti avec difficulté, refoulant mes larmes au fond de ma gorge. Péniblement, j'ai marché, le ventre tendu par mon gavage.
Situé aux confins du monde, presque en équilibre sur la ligne de frature qui sépare les deux Corées, "Hiver à Sokcho" explore et interroge la quête identitaire d'une jeune franco-coréenne face au vide du père absent.
Femme à tout faire dans une petite pension, coincée entre sa mère poissonnière et un fiancé fuyant, elle attend que l'hiver passe. Quand arrive Kerrand, l'ombrageux dessinateur normand, les images liées à sa lecture de Maupassant resurgissent tandis que son français lui reste coincé dans la gorge. Son intérêt pour lui se trouble d'un soupçon d'attirance surtout lorsqu'il fait courir la pointe de sa plume sur le grain du papier, esquissant des visages. Elle lui fait visiter la région et initie son palais aux saveurs musclées de la gastronomie locale en attendant... en attendant quoi au juste ?
Elisa Shua Dusapin réussit un premier roman impressionniste magnifié par la grâce d'une écriture baignée de lumière hivernale. Ici, l'émotion et l'attachement entre les êtres nait de petits riens : une tâche d'encre, une chemise défroissée à l'odeur particulière. Mais ce n'est pas tout, car "Hiver à Sokcho" s'affirme au fil des pages comme une exploration tout en finesse de la complexité coréenne, de la relation aux apparences et de la place qui est réservée aux femmes dans ce pays. On peut, aussi peut-être, y déceler un message. Cette jeune auteure très talentueuse semble nous suggère à mots choisis que, comme la vie, l'amour et les sentiments, la littérature est fragile, qu'il convient d'en prendre soin comme c'est le cas de la chair si délicate du Fugu, poisson recherché qui peut devenir poison mortel s'il est mal préparé.
Voici un roman qui exprime beaucoup plus que les mots. Un texte plein d'une sensualité discrète et intrigante. Une histoire qui se développe encore dans l'esprit du lecteur une fois sa lecture achevée. Celle d'une jeune femme franco-coréenne qui, le temps d'un hiver, accèdera au désir d'exister.
Un magnifique texte tout en retenue, esquisse et fragilité.
Quatrième de couverture
À Sokcho, petite ville portuaire proche de la Corée du Nord, une jeune Franco-coréenne qui n'est jamais allée en Europe rencontre un auteur de bande dessinée venu chercher l'inspiration loin de sa Normandie natale. C'est l'hiver, le froid ralentit tout, les poissons peuvent être venimeux, les corps douloureux, les malentendus suspendus, et l'encre coule sur le papier, implacable : un lien fragile se noue entre ces deux êtres aux cultures si différentes. Ce roman délicat comme la neige sur l'écume transporte le lecteur dans un univers d'une richesse et d'une originalité rares, à l'atmosphère puissante.
« En collant ma joue contre l'embrasure, j'ai vu sa main courir sur une feuille. Il l'avait posée sur un carton, sur ses genoux. Entre ses doigts, le crayon cherchait son chemin, avançait, reculait, hésitait, reprenait son investigation. La mine n'avait pas encore touché le papier. Lorsque Kerrand a commencé à dessiner, son trait était irrégulier. Il reprenait les lignes plusieurs fois, comme pour les effacer, les corriger, mais chaque pression les gravait. Le sujet, méconnaissable. Un branchage, un tas de ferraille peut-être. J'ai fini par reconnaître l'amorce d'un oeil. Un oeil noir sous une chevelure brouillonne. Le crayon a poursuivi sa route jusqu'à ce qu'apparaisse une figure féminine. Des yeux un peu trop grands, une bouche minuscule. Elle était belle, il aurait dû s'arrêter là. Mais il a continué à passer sur les traits, tordant peu à peu les lèvres, déformant le menton, perforant le regard, a remplacé le crayon par une plume et de l'encre pour en badigeonner le papier avec une lente détermination, jusqu'à ce que la femme ne soit plus qu'une pâte noire, difforme. Il l'a posée sur le bureau. L'encre dégoulinait jusqu'au plancher. Une araignée s'est mise à courir sur sa jambe, il ne l'a pas chassée. »