Idéologie et spontanéité

Et il est juste que de temps en temps des cataclysmes se produisent qui nous incitent à en revenir à la nature, c'est-à-dire à retrouver la vie.
(Antonin Artaud)

Le fondement curieux, l'axiome central de la théorie de la praxis est celui de la spontanéité créatrice (selbsttätigkeit) du prolétariat. La spontanéité est cet ensemble de forces par lesquelles, et dans lesquelles, se manifeste l'autodétermination de « l'humanité souffrante qui pense, et l'humanité pensante qui est opprimée » (Marx, Lettre à Arnold Ruge, mars 1843).

La spontanéité est, par définition et par essence, anti-idéologique. Si dans toute idéologie la réalité a toujours la tête en bas, celle-ci se manifeste à travers la spontanéité en tant que mouvement réel. (Marx, L'Idéologie allemande.)

Idéologie et spontanéité n'est pas une histoire de mai 68, pas même une histoire subjective. Ce n'est pas non plus un bilan du mouvement insurgent. Il s'agit bien davantage d'une critique des formes autoritaires d'organisation sous toutes ses formes (partis, syndicats, etc.) à la faveur de Mai 68 et d'un double point de vue. En ce sens, l'entreprise d'Américo Nunes vise à repenser radicalement le projet révolutionnaire. Tant et si bien que son texte peut être rapproché de celui que Cornelius Castoriadis avait fait paraître en 1963 dans Socialisme ou Barbarie sous le titre évocateur de « Recommencer la révolution ». Une double critique de l'idéologie, avons-nous dit. Un rejet de l'orthodoxie marxiste du point de vue de l'ultra-gauche historique, Karl Korsch, Anton Pannekoek, Otto Ruhle et Paul Mattick essentiellement. Le texte est une défense de la spontanéité des masses et de l'imagination créatrice contre toute emprise idéologique.