Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 1040 pages
Poids : 1922 g
Dimensions : 16cm X 24cm
EAN : 9782747500227
Il'f et Petrov témoins de leur temps
stalinisme et littérature
Quatrième de couverture
«Aux heures les plus sombres, lorsque personne n'osait prononcer la parole de vérité, on se contentait de citer leurs romans comme des mots de passe entre esprits libres. Leurs romans étaient perçus comme un défi au pouvoir», écrivait en 1997 Alëna Javorskaja, soixante ans après la disparition d'Il'f. Survenue à moins de quarante ans, officiellement de la tuberculose mais peut-être par suicide, elle n'avait précédé que de cinq ans celle de Petrov, mort exactement au même âge pendant la guerre dans un accident d'avion.
Loin d'avoir été oubliés, les coauteurs odessites Il'ja Il'f-Fajnzil'berg (1897-1937) et Evgenij Petrov-Kataev, frère de Valentin (1902-1942), sont toujours fêtés comme les écrivains humoristiques et satiriques les plus populaires du siècle. Leurs romans Les Douze chaises (1927) et Le Veau d'or (1931) ont été tirés à plus de 50 millions d'exemplaires malgré diverses réticences du pouvoir et adaptés à l'écran une bonne quinzaine de fois (Le Mystère des douze chaises, de Mel Brooks, ou Rêves d'idiot de Picul en sont de bonnes illustrations). Un festival annuel (Saint-Pétersbourg) continue de glorifier Ostap Bender, le «d'Artagnan soviétique», une station polaire porte le nom d'une ville née de leur imagination, deux petites planètes du système solaire ont été baptisées de leur noms et de celui de leur héros...
Ces deux romans n'épuisent pas leur production, mais le reste a été occulté par le pouvoir : nouvelles fantastiques contestataires à la Swift (cycle de Kolokolamsk), récits satiriques acérés comme du Maupassant (Une recette pour avoir la paix), un roman-reportage digne de Custine sur les Etats-Unis de 1935 (l'Amérique au ras du sol)... Le présent ouvrage souhaite faire revivre ce brillant témoignage littéraire et civique, bien oublié ici pour cause de dissimulation à l'époque du rideau de fer, et resituer leurs auteurs objets d'une polémique encore vivace : à quel prix moral, ou par quels artifices subtils ont-ils survécu (brièvement il est vrai), et d'ailleurs se ressemblaient-ils vraiment, comme on a voulu le faire croire lorsqu'on les a «récupérés» dans les années soixante, en recréant des personnages sans ressemblance avec les originaux ? Leurs rapports avec le pouvoir, tant de leur vivant qu'après leur mort et ceux, complexes et conflictuels, qu'ils ont entretenus avec la critique - émigrée autant que soviétique - posent des questions auxquelles on a tenté de répondre afin de leur rendre leur place, celle de «héros de leur temps», le plus sinistre que la Russie ait connu au cours du siècle.
«Ils nous aident à comprendre d'où nous sommes venus et pourquoi nous sommes devenus ce que nous sommes», a également écrit au sujet de leur Veau d'or, à l'époque où la parole se déliait, le professeur Jurij Borisov, spécialiste de Griboedov, Vraies sous Gorbacëv, ces paroles le restent en 2000. Nul n'a été plus prophétique qu'Il'f et Petrov : soixante ans après, la Russie demeure une association de bureaucrates et de mafieux.