Le rire ici et là

Le rire, cet élan spontané et bruyant qui déforme le visage jusqu'à la « distorsion » (Hobbes The Elements of Law), a été considéré depuis l'Antiquité comme la marque du « mépris pour autrui » si l'on en croit Laurent Joubert dans son Traité du ris (1579). Il serait donc la manifestation visible de l'orgueil, donc du Mal occulté qui éclaterait au grand jour.

Spinoza, de son côté, le réhabilite à propos du théâtre (Éthique, 1. IV) et ouvre la voie à une reconsidération des propos aristotéliciens et scolastiques. Le rire salvateur, thérapeutique, et par là libérateur dont parlaient les médicaux humanistes, trouve ses lettres de noblesse quand il se fait l'expression de la victoire de la vie sur les pulsions de mort, quand le carnavalesque bakhtinien supplante le grotesque.

Rire de ce qui est douloureux, devient une forme de résistance, de sursaut vital et d'affirmation de sa liberté quand il appartient à l'autodérision, à une critique qui, malgré tout, conserve l'espoir.

Dans le dossier de ce volume se croisent d'une culture à l'autre, autant de visages du rire en affirmation de la vivacité d'une certaine résilience. Une fraternité qui relie Ici et Là par-delà les différences.