J'ai dix secondes pour vous dire...

Surpris, étonné, je me tournai vers celle qui venait de prononcer cette phrase singulière d'une voix énergique. Elle n'avait pas bougé, son regard vide, dans le vague, semblait regarder fixement vers un horizon indéfini, scrutant quelque chose ou quelqu'un. Elle répéta :

- Moi, je supportais très bien le décalage horaire, mais pas Bertrand. Lui, il a perdu la tête, répéta-t-elle, s'adressant à une personne qu'elle seule semblait voir de l'autre côté de la route.

Quand ils ne sont plus si sûrs du réel qui les entoure, quand il leur faut considérer le temps même avec suspicion, alors les personnages de « J'ai dix secondes pour vous dire... » tentent de se raccrocher à leurs souvenirs ou aux possibilités de la Raison. Claude Sorel écrit des nouvelles ciselées au millimètre, où chaque phrase peur être comprise selon différents points de vue, et où le monde, tel un immense kaléidoscope, bascule au-dernier moment pour renvoyer - peut-être - une image ordonnée de lui-même.