Jules Verne

Jules Verne

Un art d'habiter la terre

On peut aborder de multiples façons les soixante-deux romans des Voyages extraordinaires. Les grandes figures de Phileas Fogg, Michel Strogoff ou du capitaine Nemo illustrent le thème du héros tandis que leur histoire développe celui de l'aventure sous ses diverses facettes : appel, vision, action, existence, langage. Mais c'est dans le voyage que l'auteur les fait vivre et accomplir leurs exploits, conformément au projet établi avec l'éditeur Hetzel en 1877 : chaque récit promènera le lecteur dans un pays différent, dont la nature et les hommes seront décrits avec soin. Immense entreprise que Verne a eu le courage (et la chance) d'achever, ne laissant à sa mort, quarante ans plus tard, que deux ou trois contrées inexplorées.

Mais ce sont des voyages extraordinaires : s'il faut bien instruire, il s'agit surtout pour l'auteur d'introduire le lecteur dans un autre monde où l'imaginaire trahit constamment le réel. Machines merveilleuses dont les dimensions côtoient le fantasme, entreprises insensées, dangers imparables, rencontres dramatiques marquent le destin du surhomme depuis les glaces polaires jusqu'aux fournaises du désert, et des gouffres marins et terrestres à l'espace interplanétaire.

Or ce faisant, il se fabrique un art d'habiter la Terre qui lui est propre. Ni vraiment sédentaire et encore moins nomade, il a trouvé dans l'aventure une nouvelle façon d'exister : cet « orphelin » y a éprouvé sa propre solitude, découvert parfois l'amitié ou l'amour, et pris sa propre mesure. Même si finalement le monde et l'humanité où il accomplit ses exploits n'ont du réel que l'apparence et si la magie de Verne n'opère jamais que pour faire vivre le héros et son lecteur dans la dimension du rêve qui est la marque de son génie.