La voie du régrès

Lors de son premier voyage en Italie, la jeune Leta, atteinte d'une affection pulmonaire, fait la connaissance d'un poète qui la contraint à entreprendre la difficile ascension d'une montagne au sommet inaccessible. Invité au Pérou dans la propriété d'un riche propriétaire terrien, un géomètre devient le témoin d'une « vie de porc » : débauche de chair et de chère, foisonnement et prolifération du vivant, puanteur, pourrissement et exploitation. Cellule constitutive du vaste organisme que sont les Archives, une jeune employée va s'attacher, à la façon d'une tumeur maligne, à croître de façon anarchique, mettant ainsi en péril l'existence du corps entier. Dans le train qui les conduit d'Istanbul à Vienne, le narrateur, employé par de grosses entreprises agroalimentaires pour faire péricliter des branches entières de l'économie de pays d'Europe de l'Est, tente de déstabiliser et de manipuler la jeune Turque Jadé par son récit, déformé, de la création de l'Europe selon Ovide. Le langage est en effet l'arme de prédilection de ces parasites et autres prédateurs qui, par un curieux effet de retournement, deviennent souvent à leur tour parasités. Qu'il s'agisse de failles géologiques ou de celles de l'âme humaine, rien en effet ne saurait demeurer fixe, et la métamorphose, s'exprimant en termes de déclin, résurrection et recommencement, va singulièrement de pair avec le « régrès ».

C'est dans un monde assez froid et inquiétant que nous plonge ici Georg Petz, qui manie avec une incomparable maestria le mystère et l'étrangeté. Admirablement servis par la richesse des images, le choix percutant des formules et le rythme de la langue, ces cinq nouvelles crépusculaires témoignent d'une jubilation d'écriture qui ne peut être aussi qu'une jubilation de la lecture.