L'appétence pour la formation

Réduit à sa plus simple expression, le propos de cet ouvrage est de repérer les enjeux afférents à la mobilisation croissante du vocabulaire de l'« appétence » afin de traiter de questions qui, jusque là, se passaient aisément de ses services : au premier chef, les inégalités d'accès à la formation observées depuis une trentaine d'années. Qui est porteur de ce raisonnement ? Que visent ses promoteurs ? Comment argumentent-ils la nécessité de ce « déplacement » du registre des inégalités sociales d'accès à la formation à l'inégale appétence individuelle pour la formation ? Quels sont les effets attendus d'une telle opération cognitive ?

L'auteur propose d'abord un rappel des résultats aujourd'hui bien connus attestant du maintien, sur la durée, des inégalités d'accès à la formation selon un certain nombre de variables sociologiques. Il traite du retournement conceptuel qui vise à faire advenir un nouveau schème explicatif des situations observables : l'appétence pour la formation. Enfin, il pointe les apories de cette démarche et analyse, en conclusion, sa « dangerosité ».

À travers cet exemple, c'est au fond toute une configuration sociale qui est interrogée : celle qui tend de manière croissante à faire reporter sur les personnes l'entière responsabilité de leur défaut d'employabilité, pour parler comme les responsables de ressources humaines. Avec la captation des inégalités d'accès à la formation par le modèle de l'appétence, une mutation fondamentale est ainsi instituée et un renversement de la logique de la preuve amorcé. En inventant un nouveau mal - le défaut d'appétence -, ce sont maintenant les comportements différenciés des salariés envers la formation qui sont présumés être cause des inégalités d'accès.

C'est cette nouvelle façon de reporter sur les salariés la responsabilité finale des inégalités d'accès à la formation qu'entreprend d'étudier Cédric Frétigné dans cet ouvrage au ton incisif.