L'énigmatique à la Renaissance

Les multiples formes de l'énigmatique, au XVI^e siècle, libèrent les énergies ludiques ou inquiétantes. Le langage le plus hiératique accueille l'invention verbale en ses allégories ; les évidences déconcertent, à travers les voiles qui les couvrent ; en détournant des matériaux codifiés, la poésie suggère ce qui ne peut se dire. De même dans l'art pictural : des géométries insolites, troublant l'espace de la représentation, postulent l'invisible ; de simples motifs sont rendus déconcertants par distorsion de perspectives, d'éclairages, de thématiques. Les fictions narratives tendent d'autres pièges : trajets aberrants, tombeaux vides, brouillages des repères, calculés pour que l'écriture dévoile une absence hantée de symboles virtuels, dont chacun inventera le sens. Égarement ou colin-maillard ? C'est aussi un jeu, mais il croise les plus hautes aventures de l'esprit : celles des mystiques de la nuit ; celles de la science, découverte émerveillée de la fabrica mundi et de sa rationalité ; celles du droit et de l'autorité, dont le sujet politique ressent l'emprise jusque dans les paradoxes de son désir d'affranchissement. De toute parole la Renaissance fait une énigme en s'interrogeant sur son sens, dans l'effarement ou l'allégresse.