L'histoire politique du handicap

Le vocable «handicapé» entre dans le champ politique comme catégorie de travailleur sous l'ère de l'Etat Providence. Il représente un statut social et professionnel précisé par des textes législatifs et des prises de positions politiques. L'enfance du handicap commence pendant le premier conflit mondial, avec le rapport du travailleur «mutilé» et du travail industriel.

«Infirme», «invalide», «mutilé», «handicapé», ces mots que nous employons spontanément ont une histoire, inséparable de celle de la société qui a opéré ces caractérisations, esquissé ces définitions, ces classements, ces étiquetages. De l'humanisme des Temps Modernes à la Révolution française, de la naissance politique de la solidarité à l'assistance publique comme pratique républicaine, l'infirme reste un objet social marginalisé redevable de la charité, de la bienfaisance puis de l'assistance publique. Après 1914 le but des politiques sociales devient la réadaptation et la réintégration professionnelle des mutilés de la guerre. Ils retrouvent une place dans la société, mais elle n'est pas n'importe laquelle et ne se distribue pas n'importe comment... Les principes législatifs institués à l'époque posent la trame de ce que sera, quarante ans plus tard, le statut professionnel du travailleur handicapé.

Quelle est l'histoire des intérêts politiques organisant le statut social des handicapés ? Quelles sont les raisons de leurs droits et de leurs ambiguïtés, des mensonges et des victoires qui façonnent leur place ? De quels droits se perpétuent le mépris social, la pitié charitable ou agressive ? Un droit spécifique aux handicapés n'est-il pas, en soi, un constat d'échec du pari de la solidarité sociale et égalitaire recherchée par l'Etat Providence ? Poser l'égalité des droits comme axe politique d'une démarche émancipatrice est une idée toujours nouvelle... Dépassant largement l'espace social de ceux dont on dit qu'ils sont handicapés, cette interrogation est celle de notre temps.