L'Île des morts, de Böcklin

Sous le tableau du peintre suisse allemand Arnold Böcklin (1827-1901), L'Ile des Morts, peint en cinq versions de 1880 à 1886, ont défilé d'innombrables amateurs aussi illustres que redoutables : Lénine à Zurich dormait sous une reproduction de l'œuvre ; Hitler, fou de Böcklin, avait (...) aux enchères une des versions ; une photo de 1940 le montre discutant sous le tableau avec Molotov ; Clemenceau avait une reproduction dans son bureau, tout comme Freud, qui associe L'Ile des Morts à l'Ile du Diable où Dreyfus condamné est envoyé. Dalí exécute un tableau combinant L'Ile de Böcklin et L'Angélus de Millet, deux des œuvres les plus populaires du XIX^e siècle ; Strindberg écrit un fragment dramatique, Zélazny un roman de science-fiction, et Mark Robson réalise un film, avec Boris Karloff - qu'ils intitulent, tous, L'Ile des Morts... Et combien d'autres encore qui croisèrent et croisent encore au large de cette Ile emblématique, tentant de percer son mystère.

Quel mystère ? Le plus banal, le plus scandaleux, le plus effrayant de tous : la mort. Dans son dense essai sur le tableau de Böcklin, Roger Dadoun s'attache, sous le signe de ce qu'il nomme la Psychanalysis (psychanalyse, mythologie et esthétique combinées), à interpréter les différents signes, figures et structures de l'œuvre, à suivre le travail de la pulsion de mort, à cerner les «ombilics du rêve», et à distinguer ce qu'une œuvre aussi universelle peut apporter à l'interrogation que tout être humain se pose sur son existence et son destin.