L'ombre qui marche

«Le sacrilège n'est pas de quitter le monde en mourant, mais de profaner cet instant où il faudrait sortir, sortir à tout prix, et se projeter dans le vide, pas même pour mourir.»

Une voix parle dans l'attente de disparaître, une voix dans l'oubli du livre et qui, cependant, accomplit le don du livre. Une voix qui répète une phrase sans fin, hors d'atteinte, hors du temps, une autre voix, dans l'offrande de cette chose brève.

Trace d'une écriture tremblée, ce livre s'attache non pas au texte de Hölderlin, mais aux ébauches, comme si nous devions entendre que c'est là, dans les ébauches de H., que se forme, hors de soi, une autre voix en effet, voix égarée, en abandon, mais qui, cependant, dessine, silhouette les contours incertains d'une île. Car une île est la façon, en vérité, de désigner ce qui se noue et se dénoue et se renoue entre le féminin et le masculin.

Chanté-parlé-seul, tel est le «grand cri d'amour» de Gilles Jallet. Je ne sais pas si ce livre relève du genre poésie, de la poésie. Au plus simple, ceci est une séparation, celle qu'éprouve l'homme qui marche dans la langue, entre la cime et l'abîme.

Un tel livre ne reviendra pas.