L'or du diable

L'oeuvre de Baudelaire, sa correspondance, ses poèmes, ses rêves et ses carnets de frais de toute sorte, depuis l'argent engagé pour la sépulture d'une mystérieuse femme aux notes de ses hôteliers, achats de chaussures, tableaux, depuis son hémorragie dépensière jusqu'à ses vers les plus sublimes, ceux les plus obscènes aussi, à la manière de ses plaintes à sa mère et aux éditeurs, l'oeuvre de Baudelaire au sens plein d'une oeuvre de vie, celle d'un homme engagé dans l'existence quotidienne du XIX^e siècle, surgi culturellement du siècle des Lumières pour ouvrir le sien aux ténèbres constitutives de l'individu, son histoire, sa vie sociale et culturelle, depuis les plus infimes descriptions de ses gestes, jusqu'aux transcriptions les plus élaborées de ses pensées, de ses souffrances, de ses joies, depuis ses infâmes névralgies jusqu'aux fastes fugaces de la renommée, l'oeuvre de Baudelaire m'apparaît comme un vaste océan linguistique dans lequel le lecteur que je suis a choisi sa route conscient des mille périls qu'elle comporte. Ai-je été bon navigateur, ai-je mené à bon port cette traversée de la scène de l'auteur? Au lecteur de le dire, s'il arrive au bout de sa lecture écrivante.