La blouse et le tablier

On vient de célébrer le bicentenaire de l'Internat des hôpitaux de Paris : stupéfiant ! Celui-ci est mort depuis plus de trente ans et ce qu'on désigne abusivement sous ce vocable aujourd'hui, n'a absolument rien de commun avec cette prestigieuse institution qui, sous le Consulat, avait repris les structures géniales du Collège Royal de Chirurgie du XVIII^e siècle.

On a cru bon de réduire en poussière une hiérarchie modèle formant les cadres d'un corps médical qui s'en trouvait valorisé. Il n'en subsiste plus la moindre trace dans le kolkhoze déshumanisé qui usurpe maintenant son nom : singulier progrès !

Face à l'inquiétante virtualité actuelle, ce livre se donne le dessein d'exhumer, aux fins de confrontation, une structure si légèrement jetée à la poubelle, en dépit d'un bilan salutaire. Des jours point si lointains où, au sein d'un milieu peu ordinaire, les personnes restaient des personnalités ; lorsqu'il était permis de vivre et que l'on servait avec plaisir et efficacité.

Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé ? Du fond de sa déchetterie, l'auteur et témoin compare ce qu'il a vécu et la pratique actuelle. Aussi bien lui faut-il arbitrer. À côté de succès ponctuels permis par les avancées techniques, les résultats d'ensemble ne sont pas à la hauteur des moyens à disposition. On côtoie trop souvent le drame : gaspillage et casse deviennent les deux attributs de la médecine prétendue moderne. Sans oublier l'insupportable manière dont le patient se voit traité, sans cesse ajourné, pour un bénéfice souvent douteux.

Il existe pourtant, bon poids, cinq fois plus de médecins que de mon temps. Sont-ils bien recrutés, bien formés, bien distribués ? Prennent-ils conscience de leur fonction et du sacerdoce qu'elle exige ? Savent-ils que ce n'est guère dans les agréments, mais dans le service et ses contraintes que l'on trouve le bonheur ? Par pitié, qu'ils ne s'inscrivent pas dans le désarroi général !