La critique hostile à Gauguin

Il est si facile d'écraser les jeunes avec le passé, et on s'est servi tant de fois de ce moyen pour boucher la route à des artistes, reconnus des maîtres à l'heure actuelle, que j'évite de me laisser influencer par les apparences, souvent modestes, quelquefois même ridicules, sous lesquelles se présentent les petites expositions.

Tas d'imbéciles, qui veulent analyser nos jouissances, à moins qu'ils ne se figurent que nous sommes obligés de les faire jouir!

Paul Gauguin

Parmi ceux des exposants qui sont de vulgaires impressionnistes (ce sont des sages, si on les compare à M. Anquetin), il en est un, M. Gauguin, qui possède déjà une certaine réputation, que je trouve méritée, sauf de légères réserves.

Il est certain que: la Ronde dans les foins, les Jeunes Lutteurs-Bretagne, le Modèle-Bretagne, les Mangos-Martinique, etc., sont des oeuvres de peintre, bien qu'elles comportent par-ci, par-là, des déformations de dessin et des altérations de valeurs qui me gênent, et qui, dans d'autres oeuvres où elles s'exagèrent, arrivent à nuire beaucoup au talent indiscutable de M. Gauguin.

Ainsi, le catalogue de cette exposition contient une lithographie de lui intitulée: Faneuses, qui est une très mauvaise chose. M. Gauguin sait dessiner, et il n'existe pas d'esthétique justifiant des bras trop longs, des torses trop étroits et une tête de femme ressemblant à une tête de souris.

Une aquarelle, appelée Eve, représente une femme nue, accroupie au pied d'un arbre muni d'un serpent; - au-dessous je lis: «Pas écouter li... li... menteur!» Sur quel document; M. Gauguin se base-t-il pour supposer Ève parlant nègre?...

A moins que je ne me sois trompé et que M. Gauguin soit un synthétiste, lui aussi!

Parmi les neuf exposants, il en est deux qui copient visiblement M. Gauguin. L'un, M. Bernard, est synthétiste; - l'autre, M. Laval, l'imite de très près, purement et simplement.