Rayon Bandes dessinées
La croisière incertaine

Fiche technique

Format : Broché
Nb de pages : 152 pages
Poids : 828 g
Dimensions : 26cm X 33cm
EAN : 9782020678506

La croisière incertaine

De ,
Chez Seuil

Paru le
Broché 152 pages

Quatrième de couverture

«Ce n'est qu'au réveil que le cerveau, redevenu conscient, constate que vous avez forniqué avec une voiture à bras ou une boîte de radio, mais de façon parfaitement acceptable par votre cerveau de rêveur.»

Le texte, «dépouillé à l'absurde, se repose sur le dessin de toutes les précisions pittoresques, qui porteront cette absurdité jusqu'au point où doit se produire le choc en retour et une destruction de l'absurde.» L'écriture lapidaire de Bofa réduit ses contes à une action imaginaire, ni datée ni située, et privée de tout élément plastique. Le dessin transpose l'élément littéraire «dans un autre plan, choisi arbitrairement, comme le décor, l'époque, les détails mêmes, sans souci de ce texte.» Donnant l'évidence de la vie à l'absurde, l'image oblige le lecteur à tenir, ne serait-ce qu'un instant, l'absurde pour la norme.

Toute vie et toute mort sont pour Gus Bofa dépourvues de sens. Pareil au patron de la boutique sur la dune attendant des clients qui ne viendront jamais, l'homme perd son temps à chercher la réponse à une question qui n'en a pas. La race humaine endure par habitude, parce que «la vie invivable, ou la vie tout court, est léguée de père en fils, en même temps que les moyens accumulés peu à peu, depuis des siècles, de l'accepter et de la vivre.»

Comme les gens de Manouque sous la rivière suspendue qui menace de les engloutir, l'humanité poursuit «sous une sorte de voûte tragique une vie à peu près normale et paisible.» La mort n'est pas un obstacle à la vie, et à la vie heureuse. Tout le secret est de se fabriquer une existence sur mesure, au risque de sembler anormal ou provocant aux yeux du Léviathan, la mécanique sociale qui voit en toute fantaisie le grain de sable potentiellement fatal. Pour satisfaire son innocente passion du cerceau, le «joueur nocturne» accepte de passer aux yeux des autres pour un vieux débauché. Mais renoncer à sa liberté pour rejoindre le groupe est un marché de dupes. Invité au palais du Roi, le géant Krach sacrifie, par gloriole, sa vraie grandeur qui est d'être géant parmi les nains et d'être seul. Seul et libre.

L'individu embarque, à sa naissance, pour une croisière dont il ignore le but, la durée et les joies qu'il pourra, ou non, en tirer. Il n'a donc rien à perdre, nous encourage Gus Bofa, en renonçant au cabotage prudent ou aux expéditions commerciales pour partir «au long cours vers des pays imaginaires, toute la toile dehors, sans avoir pris souci de lever l'ancre.» En recréant le monde à notre image, le rêve ou la poésie, lui donnent un sens. Les enfants ont raison qui, malgré les taloches paternelles, continuent de croire «que les yeux bleus, les yeux verts, les yeux noirs, voient le monde de couleurs différentes.»

Emmanuel Pollaud-Dulian

Biographie

Gus Bofa range la bibliophilie, avec le sadomasochisme, au nombre «des déformations mentales, des voluptés parfaitement localisées et réglées, où l'orgasme se produit selon des rites précis.» C'est pourtant la vogue, au lendemain de la Grande Guerre, du livre de luxe illustré qui lui ouvre un champ où exercer son talent, plus vaste et libre que celui des journaux. Pour lui, un livre ne demande pas plus à être illustré «qu'une statue à être coloriée et vêtue d'étoffe» : il reproche aux illustrateurs de s'interposer entre l'auteur et le lecteur et d'imposer, au risque de trahir la pensée du premier, une réalité plastique que le second aurait le droit d'imaginer tout autre.

S'il publie des livres aux titres familiers, Gulliver, L'assassinat considéré comme un des beaux-arts ou Don Quichotte, Bofa y dissimule une oeuvre parallèle et toute personnelle. Les textes de Swift, Quincey ou Cervantès, ses frères en inquiétude, lui sont prétexte à une rêverie d'où émergent, comme de la brume, de nouveaux personnages et des décors inconnus.

«Joyau de bibliothèque, réservé à quelques amateurs, illettrés de préférence, pour n'avoir pas à souffrir d'être trop souvent lu ou feuilleté», le livre de luxe permet à Bofa de se «débarrasser» des dessins qui le hantent et d'organiser «dans la clairière autour de sa cabane, une grande exposition de ses tableaux, pour les animaux de la forêt.»

Voyant en toute création «un ectoplasme du subconscient», qui exige pour être perçu l'état de rêve, Bofa travaille la nuit, lorsque, le frein social et physique desserré, «les idées s'enchaînent librement, avec une logique absurde et parfaite, qu'on n'accepterait pas volontiers en plein jour.» Il en vient à illustrer ses propres livres car ainsi «les gravures et le texte sont deux ectoplasmes sortis de la même rêverie et se complétant l'un l'autre.» De cette rêverie fructueuse naissent Malaises, Zoo ou La Symphonie de la peur.

Mais la crise économique, puis la Seconde Guerre mondiale ont raison de la mode du livre illustré et quand la Librairie des Champs-Élysées, fondée en 1926 par Albert Pigasse, publie La Croisière incertaine en 1950, le secret des collections privées en engloutit sans bruit les 360 exemplaires. À peine si un écho anonyme du Figaro signale cet ouvrage «d'une qualité, d'une poésie, d'une satire mordante très remarquables.»

La Croisière incertaine constitue un essai de fantastique synthétique, une tentative de court-circuiter le cerveau conscient pour recréer, à l'état de veille, la logique du rêve qui transforme, par exemple, une femme désirée en poste de T.S.F. ou en voiture à bras :

Avis des lecteurs

Du même auteur : Gus Bofa

L'oiseau rare. Le Tourangeau de Winnipeg

La symphonie de la peur

Chez les toubibs

Libido, notes d'érotisme diffus

Synthèses littéraires et extra-littéraires

Gringoire : écrits. Vol. 1. 1928-1937

La croisière incertaine

Malaises

Le livre de la guerre de Cent Ans

Slogans