Fiche technique
Format : Broché
Nb de pages : 341 pages
Poids : 542 g
Dimensions : 16cm X 23cm
ISBN : 978-2-251-44426-0
EAN : 9782251444260
La décadence
le mot et la chose
Quatrième de couverture
Issue de Baudelaire, ni mouvement, ni école à proprement parler, la Décadence est un état d'esprit, un syndrome, une diathèse. Les contemporains parlaient volontiers de maladie. Plus poétiquement, le critique Charles Morice y voyait «une naissance dans une agonie», «une aurore dans la nuit» (1886). L'oxymore est bien la figure favorite d'une rhétorique qui se résout dans l'alliance des contraires : raffinement et barbarie, laideur et beauté, préciosité et argot, tous ces éléments portés à l'extrême. Remy de Gourmont situait «vers 1885» l'entrée dans la littérature française de l'idée de décadence. Il y a bien, à cette époque, comme il y eut une Querelle des Anciens et des Modernes, une «Querelle de la Décadence», que Verlaine n'hésitait pas à comparer à la bataille d'Hernani. En étudiant le sens de ce vocable contesté, ce livre, mettant l'accent sur des questions de lexique et de grammaire, rappelle qu'on ne faisait en ce temps-là, nulle distinction entre Symbolisme et Décadence, et s'interroge sur la portée de ce terme dans les domaines poétique, politique et religieux.
Je relis L'enfant d'Agrigente, je relis Le latin mystique, je relis Curtius, Auerbach, Pierre de Nolhac... : je les réunis en esprit dans une collection idéale qui satisfait à la conception que je me fais de l'essai. Le mot est à la mode et désigne un genre polymorphe : essais historiques, scientifiques, politiques, critiques ; tantôt l'exposé d'un point de vue brillant et instantané, proche du pamphlet, tantôt la quintessence de recherches patientes dans un champ disciplinaire donné. C'est plutôt ainsi que je vois la création d'une collection intitulée «Les Belles Lettres/essais». Dans le paysage éditorial français, notre maison se distingue par la place qu'elle réserve à l'érudition, cette sévérité, qui est de fondation, est son honneur. Elle se distingue aussi par la place éminente donnée à des langues et à une culture qui sont de plus en plus l'apanage de spécialistes. Mais l'érudition n'est pas cuistrerie et il arrive que la spécialité partagée vienne enrichir d'un éclat irremplaçable la culture universelle. Seulement, il faut, pour cela, infuser à la philologie une âme, c'est-à-dire de l'amour - et un style. Ou, comme sur la monnaie d'Auguste, à la lenteur cuirassée du Crabe marier la légèreté du Papillon1. C'est le rôle de l'essai, essai en ce sens aussi que, relevant ce défi, on a mesuré la part de risque.
P. L.
1. Revers de l'aureus frappé en 19 av. J.-C. par le triumvir monetalis M. Durmius. Notre image est empruntée aux Sententiose Imprese di monsignor Paolo Giovio et del signor Gabriel Symeoni, ridotte in rima per il detto Symconi, Lyon, G. Rouille, 1561, p. 11 («Festina lente»). Cf. W. Deonna, «The crab and the butterfly : a study in animal symbolism», JWCI, LXV (1954), p. 67 suiv. : I. Calvino, Leçons américaines, Gallimard, 1989, Deuxième Conférence : «... Bizarres l'une et l'autre, l'une et l'autre symétriques, ces deux formes animales établissent entre elles une harmonie inattendue».